On appela la neuvième année de lHégire, depuis la fuite de Mahomet, lannée des ambassades . Cétait pour lui lannée de la moisson. Lunité de Dieu avait germé dans toute lArabie et au delà. Les routes étaient couvertes de caravanes qui venaient rendre hommage à Mahomet, et qui rapportaient sa doctrine aux populations de lOrient. Le Coran, sorti verset par verset, à diverses époques, des lèvres du prophète législateur, était recueilli et classé par les disciples. La vertu et le vice de ce code étaient de confondre dans une même théocratie la religion et la législation civile. Cette unité de la loi civile et de la loi religieuse serait la perfection des institutions humaines si le législateur était infaillible ; la loi deviendrait ainsi divine et humaine à la fois; la conscience parlerait comme lautorité, et Dieu comme le prince. Le sujet ou le citoyen ne serait que le fidèle ; le ciel et la terre seraient confondus dans le gouvernement. Mais linconvénient des théocraties telles que celle que fondait Mahomet, est de lier à un dogme religieux, qui doit être absolu et immuable, une loi civile qui doit changer avec le temps, les moeurs, le progrès des idées, les nécessités de la politique. On attache ainsi par un lien indissoluble léternité au temps, Dieu à lhomme, la vie à la mort. Quand les lumières plus avancées disent au gouvernement et au peuple: changez vos lois, votre administration, votre politique ; la re- ligion inviolable dans ses préceptes et dans ses traditions, leur dit: Ne changez pas une lettre de votre loi, car votre loi fait partie de moi-même! Ainsi dépérissent et meurent les peuples théocratiques qui nont pas séparé le pouvoir religieux et le pouvoir civil. Les théocraties sont les plus forts des gouvernements à leur origine, les plus retardataires et les plus incorrigibles à leur décadence. Lislamisme nétait pas seulement un théisme proclamant Dieu dans la raison et ne lhonorant que par les bonnes oeuvres; il était de plus une théocratie, cest-à-dire le règne sacré et perpétuel dun pontife souverain sur la terre. Cest par là quil devait sétendre et se perpétuer comme religion, niais quil devait saffaiblir comme empire.
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