La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 84

L’extension et l’affermissement de sa puissance dans l’Arabie firent accueillir avec d’habiles égards se ambassadeurs par Héraclius, empereur des Romains, à sor passage en Syrie pour aller visiter Jérusalem. L’empereur plaça la lettre de Mahomet sur un coussin à brocart et combla de présents ses envoyés. À leur retour, Mahomet, suivi d’une population et d’une armée innombrables, alla accomplir à la Mecque le pèlerinage longtemps suspendu’. À la tête de ce peuple, qui avait remplacé le sien, entouré de ses disciples, devenus ses généraux, monté sur sa chamelle Coswa, la plus renommée du désert, le sabre, symbole de ses victoires passées et futures, suspendu à sa ceinture, il rentra enfin dans sa patrie et dans le temple où il avait subi tant d’outrages. Il n’en vengea aucune. Il accomplit religieusement, au nom du Dieu d’Abraham, tous les rites de l’ancien pèlerinage autour de la Kaaba et sur les collines sacrées de la Mecque. Le peuple n’eut pas à changer une lettre de ses cérémonies, mais seulement une idée dans ses adorations. Il le laissa libre de se convertir ou de persévérer dans ses superstitions. Un nombre immense se convertit à l’aspect de la force irrésistible qui leur semblait justifier la mission du prophète ; il prit, en signe de parenté, une nouvelle épouse parmi les Coraïtes. C’était la fille du chef Abou-Sofyan, nommée Habibé; il rentra à Médine au milieu des fêtes de ces noces.
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