Ces réponses, si sages et si conformes à ce que les oracles avaient confié secrètement aux députés, accréditèrent la science du prophète. Les chefs Coraïtes virent que le seul moyen détouffer sa voix était de la laisser perdre dans le vide. Ils se retirèrent de lui, et ordonnèrent au peuple de se retirer quand il ouvrirait la bouche. Cette excommunication des grands, des prêtres et du peuple isola le prophète dans sa patrie. Il neut dautre moyen de continuer sa prédication que le chuchotement quon ne pouvait surprendre sur ses lèvres. Quand il se rendait au temple pour prier, il priait à demi-voix, afin que les jeunes gens qui étaient les plus rapprochés de lui sur le parvis entendissent et retinssent ses prières. Cest ainsi quil leur enseignait comment il fallait adorer et servir le Dieu unique. Ce mystère ajouta le sel de la confidence dérobée à sa doctrine. Ses persécuteurs eux- mêmes ne résistèrent pas toujours à la curiosité. Trois des plus acharnés contre le prophète se rencontrèrent une nuit, sans sêtre concertés, sur une terrasse voisine de la maison de Mahomet, doù lon pouvait lentendre murmurer ses prières dans la cour. Ils se reconnurent et se reprochèrent mutuellement leur infraction à lexcommunication du mépris quils avaient portée contre le prédicateur. Ils se séparèrent se jurant de ne jamais retomber dans cette faiblesse. Mais, la nuit suivante, chacun des trois, croyant tromper les autres, y revint en secret et saccusa honteusement de parjure. Il en fut de même la troisième nuit. «Quas-tu ressenti en toi, en écoutant furtivement ses prières et ses professions de foi demandèrent-ils au plus sage dentre eux. Jai compris et admiré certaines paroles, répondit lennemi du prophète, les autres ont passé au-dessus de mon esprit. -Cest une honte pour nous, dirent-ils en sen allant, de permettre quil sorte de la famille dAboutaleb un révélateur dont la gloire enorgueillira cette famille et la placera au-dessus de nous tous. Un des disciples, pressé par le zèle du martyre, jura denfreindre seul les défenses de professer lislamisme. Il savança hardiment sur la place et récita les premiers versets du Coran : « Dieu a créé lhomme. « Le soleil et la lune suivent la ligne tracée par son doigt. « Les plantes et les arbres ladorent... On linterrompit par des vociférations et par des huées on se précipita sur lui, on lacéra ses habits, on le frappa sur la bouche. Il revint déchiré et sanglant au groupe des fidèles. «Jai été frappé, dit-il mais je les ai forcés dentendre quelques lettres du libre inspiré. » La persécution suivit cette témérité du disciple. On étendait les néophytes du prophète sur le dos, le visage tourné vers le soleil brûlant du désert, avec un bloc de pierre sur la poitrine pour leur disputer la respiration. « Vous resterez-ainsi, leur disait-on, jusquà ce que vous reniiez limposteur qui vous persuade un autre Dieu que les dieux de nos pères. - El ny a quun Dieu, » répondaient les victimes. Beaucoup moururent de cette torture sur la colline de Ramdhà. Mahomet, que sa haute naissance et la terreur du ressentiment de sa famille protégeaient seul contre ces supplices, passait auprès des suppliciés, leur adressait des encouragements et des consolations : « Courage ! leur criait- il, le paradis vous attend! »
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