Cependant ce traité nocturne entre les chefs dYathreb et Mahomet transpira après le pèlerinage dans la ville. Les sectateurs du prophète, suspects de trahison contre leur patrie, furent forcés de séloigner furtivement, un à un, de la Mecque et de se réfugier à Yathreb. Mahomet, quoique exposé tous les jours à la mort, refusa de les suivre tant quil naurait pas, disait-il, reçu linspiration de Dieu sur lheure de sa fuite. Abouhekre, père de la jeune Aïché, et Ali, qui touchait à sa vingtième année, restèrent auprès de lui pour le défendre. Les Coraïtes , après avoir délibéré sur le parti quil fallait prendre pour se délivrer, ou de la présence ou du retour armé de ce dangereux compatriote, chargèrent quelques assassins dassaillir sa maison et de le tuer la nuit suivante. Une indiscrétion ou un pressentiment avertit le prophète. Il charge son disciple chéri, le jeune Ali, daller restituer, le soir, tous les dépôts que les Coraïtes , même idolâtres, avaient confiés à sa maison, par conviction de sa probité. Ali exécute lordre de son père adoptif. «Maintenant, lui dit Mahomet, enveloppe-toi de mon manteau et couche-toi sur ma natte. Ne crains rien, nul ne te touchera ». Ali prend sans hésiter, au risque de mourir pour lui, le manteau et la place du prophète. Pendant ce sommeil simulé, Mahomet, se glissant inaperçu hors de sa maison, dans les ténèbres, entre chez Aboubekre : «Dieu mordonne de fuir, lui dit-il. - Me permet-il de taccompagner ? lui demande Aboubekre. - Oui, répond Mahomet ». Aboubekre fond en larmes de reconnaissance de cette faveur. Deux chamelles de course et un guide, préparés davance pour lheure où Mahomet consentirait enfin à séloigner, attendaient dans la campagne les fugitifs. Le maître et le disciple sortent à la faveur de la nuit. Ils atteignent une caverne du mont Thour, à trois heures de marche de la Mecque, du côté opposé de la route dYathreb, où lon supposerait quils cherchaient leur salut.
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