Le mariage avec plusieurs femmes parmi les tribus arabes était aussi, il faut le reconnaître, autre chose quune brutale sensualité. Cétait un lien de parenté, un gage dalliance politique entre les familles principales dune même ville ou dune même tribu pour sassurer par ces consanguinités lamitié, la fraternité, lappui des tentes ou des maisons où lon prenait une femme. Les épouses étaient des otages que les familles se livraient réciproquement. Elles assuraient la paix, elles confirmaient la puissance des maisons où elles entraient. Dans un pays où il ny avait aucune autorité centrale supérieure pour établir la fixité du pouvoir, ce pouvoir ou cette prédominance flottant sans cesse dune maison à lautre, et nayant dautre titre que la possession, on ne pouvait le fonder ou le conserver que par ladhésion dans les conseils du plus grand nombre de chefs de famille influents dans la ville ou dans la tribu. Ces mariages illimités étaient les moyens de sacquérir ces adhésions et ces alliances. Cétait ainsi quon élargissait la famille dominante ou quon cherchait à balancer son ascendant, en multipliant contre elle les relations de sang avec les maisons rivales. Une femme était un traité. Cest ce qui paraît avoir décidé Mahomet, autant peut-être que la volupté, dans le choix des épouses quil se donna après la perte de Kadidjé. Cétait le moment où, pour soutenir sa doctrine proscrite, il avait besoin de se soutenir lui-même dans la Mecque par des alliances avec les familles de ses ennemis indécis, ou de ses disciples les plus affiliés. Cette conjecture se trouve vérifiée par lâge des deux femmes quil épousa à la fin de cette année de veuvage. La première, Sauda, fille des Aboucays, maison illustrée par les poètes de ce nom, touchait à peine à lâge nubile; la seconde, Aïché, fille dAboubekre, son disciple, si célèbre par sa beauté mâle et par son élégance martiale, nétait pas encore sortie de lenfance.
Aïché navait que huit ans. Ce fut plus tard lépouse favorite du prophète, déjà avancé en âge, mais toujours amoureux de son élève. Aïché, plutôt sa fille adoptive que sa femme, nentra dans son cour dépoux que plusieurs années après. Mahomet paraît lavoir aimée par-dessus toutes les femmes, autant pour lélévation de son esprit et pour sa fidélité que pour ses charmes célébrés par toutes les traditions de lArabie.
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