Il conclut une trêve de dix ans avec les Coraïtes. Semblable à Henri IV à son entrée à Paris, il sembla traiter les vaincus en vainqueurs, et les vainqueurs en vaincus. Son triomphe pacifique de la Mecque ne fut quune imposante revue de ses forces, passée sous les murs du temple et sous les yeux de ses compatriotes éblouis. Les murmures croissants de son armée ne lébranlèrent point dans son dessein aussi politique que magnanime. « Je ne suis pas le prophète de mes amis, leur dit-il, mais le prophète de lArabie et de tous les croyants futurs dans le monde. Par respect pour les usages et pour les traditions, il nentra pas cette fois dans la ville sainte. Il retourna à Médine sans avoir tiré lépée, et profita de la paix avec les Coraïtes pour étendre sa foi par des émissaires envoyés dans tous les royaumes ou empires limitrophes de lArabie. Le roi de Perse déchira avec mépris la lettre par laquelle Mahomet le conviait au culte du seul Dieu.
«Est-ce ainsi, dit le monarque offensé du titre dapôtre de Dieu pris par Mahomet, quun homme qui est mon esclave doit me parler ? » En apprenant cette réponse, Mahomet sécria: «Eh bien, que son empire soit déchiré comme il a déchiré mon message! » La malédiction ne devait pas tarder à saccomplir par la main dAli Le roi dAbyssinie traita ses envoyés avec plus de déférence. La ressemblance apparente de lislamisme et du christianisme lui fit confondre les deux cultes et accepter lalliance de Mahomet. Le prince de la race copte , qui gouvernait alors lEgypte indépendante et à demi chrétienne, accueillit ses ambassadeurs comme eux dune puissance naissante qui laiderait à combattre les Romains. Il lui jura amitié ; il lui envoya en présent un cheval de race, et une mule blanche, fameuse par son instinct, nommée Doldol, que le prophète monta jusquà sa mort, enfin deux jeunes filles nobles de la race des Coptes. Lune nommée Sirin, fut donnée en mariage par Mahomet au poète de Médine, le célèbre Hassan. Il épousa lautre vierge dune merveilleuse beauté, nommée Maria et surnommée la Copte. Il laima avec une passion qui balança souvent lempire dAïché sur son cour.
Bientôt après, à la reddition dune place forte de lArabie syrienne emportée par ses troupes, il épousa une autre princesse prise dans lassaut. Elle se nommait Safya; Ses guerriers se la disputaient pour ses charmes. Mahomet, appelé pour juge entre les prétendants, étendit son manteau sur la captive et la consacra ainsi pour ses propres voluptés. Son triomphe faillit lui coûter la vie. Une des captives, nommée Zaynab, lui donna un festin dans lequel on servit une brebis empoisonnée. Il repoussa la chair de ses lèvres après lavoir goûtée. Un de ses disciples, qui en mangea avant lui, tomba mort à ses pieds. Le poison fut constaté dans lanimal. «Malheureuse ! dit-il à Zaynab, quel motif ta poussée à ce crime ? - Tu es le destructeur de ma nation, répondit la Judith arabe, jai voulu la venger sur toi si tu nétais quun conquérant ordinaire, ou embrasser ton culte si le ciel te révélait le danger ! » Zaynab obtint son pardon en faveur de cette épreuve qui avait justifié le don de linspiration dans le prophète. Cependant le poison quil avait goûté circula depuis ce temps dans ses veines et multiplia les crises et les défaillances dont il fut de plus en plus visité.
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