Tandis que Kotaïba subjuguait la Transoxiane, un autre lieutenant des Ommïades se rendait maître de la vallée de lIndus. Mais là devaient sarrêter les conquêtes des Arabes le khalife Soliman, successeur de Walid, jaloux de la gloire des généraux que son frère avait choisis, leur ôte le commandement, et condamne leurs troupes victorieuses à linaction. An tumulte de la guerre étrangère succède le feu de la rébellion ; les Alides prennent de nouveau les armes contre les Ommïades, et au milieu de ces luttes funestes ce sont les descendants dAbbas, oncle de Mahomet, qui usurpent lautorité souveraine. Le règne dYézid II, neuvième khalife ommïade, montre à quel degré de faiblesse étaient descendus ces princes, naguère encore si vaillants. A toutes ses femmes, Yézid préférait deux jeunes Syriennes, lune nommé Sélamah, lautre Habbha. Un jour dautomne quil se délassait de lempire avec elles dans un de ses jardins au bord du Jourdain, Yézid samusa à lancer de loin, dans la bouche ouverte de ses favorites, des grains de raisins de Palestine plus gros et plus ovales que ceux de lEurope. Habbha recevait en riant les grains de raisin dans la bouche, et le khalife admirait sa grâce et son adresse. Malheureusement un de ces grains sarrêta dans la gorge de la belle musulmane, et ferma tellement la voie à la respiration, quelle expira étouffée dans le rire presque subitement entre les bras du khalife. Le désespoir de la perte de son idole porta jusquà la démence la douleur du khalife. Il emporta lui-même le corps dHabbha dans son appartement, la coucha sur ses tapis, et refusant de laisser recouvrir ses restes adorés par la terre, il senferma avec son cadavre, jusquà ce que la dissolution des éléments qui composent le corps humain lui arrachât une à une toutes les beautés de sa favorite, sans pouvoir lui arracher son amour. Ce ne fut quaprès huit jours et huit nuits de cette contemplation passionnée et funèbre, que ses courtisans purent enlever de force le cadavre de son palais, et ensevelir Habbha dans le tombeau. Le khalife ne put lui survivre et mourut de cette séparation, en demandant à rejoindre dans la même tombe cette poussière qui, depuis quelle manquait à la terre, avait anéanti tout le reste de la terre à ses yeux. Avec la chute des Ommïades de Damas (750 de Jésus- Christ) commence le démembrement de lempire des Arabes; tandis que les Abbassides fondent Baghdad, fixent dans cette ville leur résidence, et, tournent toute leur attention vers la culture des sciences et des lettres, donnent la plus vive impulsion aux écoles arabes, qui relient lécole grecque dAlexandrie à lécole moderne, on voit sélever le khalifat de Cordoue en Espagne, celui du Caire en Egypte, et cen est fait de lunité musulmane. Aux règnes brillants dHaroun-al- Raschid et dAlmamoun, lAuguste des Arabes, succèdent des princes incapables qui forment leur garde particulière desclaves turcs, et cette garde, renouvelant bientôt les excès des prétoriens de Rome, dispose du trône par des révolutions de palais ; aussi, lorsquau onzième siècle les Turcs seldjoukides, maîtres de la Transoxiane et du Khorasan, sempareront de la Perse et de lAsie Mineure, ils trouveront des frères au milieu des rangs ennemis. Après eux viendront les Mongols et Gengis-Khan, puis enfin les Turcs Ottomans, dont nous allons retracer les conquêtes.Nous ne poursuivrons pas plus loin lhistoire des khalifes et les règnes de ces guerriers, législateurs et pontifes qui en prêtant un corps, des armes, des lois, des moeurs, des arts, une politique à lidée dun prophète du désert, avaient conquis une grande partie des trois continents à lidée dun Dieu unique, et combattu partout idolâtrie. Nous abandonnons le récit à ce point de jonction, entre la foi de Mahomet et la race turque, pour concentrer lintérêt tout entier sur les nouveaux conquérants qui apparaissent à leur tour sur la scène des événements.
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