Aboutaleb conçut de cet entretien avec le moine un secret respect pour son neveu. Il le ramena à la Mecque. Le jeune homme ne sy fit pas moins admirer par la maturité précoce de son esprit, par la probité de son âme, par le recueillement de sa vie, que par la grâce et la majesté de son visage. Il recherchait lentretien des vieillards et des sages ; il fuyait les légèretés, les débauches, les ivresses des jeunes Coraïtes. Il méditait, seul sur les collines et dans la vallée pierreuses des environs de la Mecque, ces pensées quon ne recueille que dans la solitude et qui font trouver amer ce que la foule appelle doux. Il est vraisemblable que ces pensées alors sans confidents du neveu dAboutaleb tendaient toutes à une réforme de la religion brutale et idolâtre de ses compatriotes. La révolution quil devait opérer nétait pas, comme on la cru, sans pressentiment et même prédisposition parmi les Arabes. Les superstitions honteuses du vieux culte commençaient à soulever lesprit des Coraïtes réfléchis. Les habitudes subsistaient, les convictions chancelaient dans les âmes. Autrement, quel queût été le génie de Mahomet, il eût échoué contre une religion. Un homme destiné à réussir nest jamais que le résumé vivant dune inspiration commune dans lesprit de son temps. Il le devance un peu, et cest pourquoi on le persécute; mais il lexprime, et cest pourquoi on le suit. Voilà aussi pourquoi la gloire dun homme est si justement la gloire de son temps. On aperçoit les traces de cette aspiration à une religion plus rationnelle, et plus épurée dans les histoires locales des Coraïtes dès les premières années de leur futur réformateur. Les sacrilèges desprit contre leurs dieux usés devenaient communs.
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