Ses ennemis, pour arracher le peuple à la magie de sa parole, lui suscitèrent Lin rival qui groupait autour de lui des auditeurs charmés de son éloquence. Cet homme était un Arabe voyageur, poète, philosophe, orateur dune grande renommée dans lArabie. Il se nommait Nudher. Quand Mahomet avait fini de prêcher sur la place publique, Nadher souriait de dédain, et, sadressant au cercle qui allait se dissoudre «Ecoutez maintenant, criait-il à lauditoire, des choses qui valent un peu mieux que celles dont Mahomet vient de nous obséder. » Alors il édifiait et charmait ses auditeurs par les récits fabuleux ou héroïques des dieux et des héros de leurs ancêtres. Il illustrait les vieux mensonges, si chers à limagination puérile du peuple, de tous les prestiges et de toutes les saintetés de la tradition. « Eh bien ! leur disait-il ensuite, après les avoir enivrés dadmiration et de piété pour les objets du culte de leurs pères, les histoires de Mahomet sont-elles plus belles que les miennes ? Il vous débite danciennes fables renouvelées du livre des sages plus savants que lui, et quil a pris soin décrire comme jai fait moi-même, en menrichissant dans mes voyages de ce que jai appris des autres peuples et de ce que jai écrit pour vous le réciter. Nadher lemportait auprès de la foule, dont il caressait les vieux souvenirs nationaux. Les novateurs préféraient Mahomet. On voulut faire parler contre lui les oracles, action puissante sur lopinion en ce temps-là. Une députation des prêtres à la Mecque se rendit à Yathreb (Médine), ville rapprochée et sainte, habitée par des rabbins juifs qui avaient une renommée de science occulte et infaillible. Les députés racontèrent aux rabbins la dissension qui sélevait dans leur peuple à cause dun novateur, nommé Mahomet. « Vous qui lisez dans les livres qui savent tout, que pensez-vous de cet homme» leur dirent-ils. Les rabbins répondirent « Posez-lui trois questions, et demandez-lui, entre autres, ce que cest que lâme. » Mahomet, à ces questions demanda trois jours pour se recueillir. Il y répondit ensuite au gré des rabbins ; quant à la définition de lâme, qui ne tombe pas soils les sens, et qui ne peut se définir par des mots empruntés tous à la matière, «Lâme, dit-il, est un mystère dont Dieu sest réservé à lui seul la connaissance. Lhomme ne sait que ce que Dieu daigne lui enseigner. »
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