La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 48

Ses ennemis, pour arracher le peuple à la magie de sa parole, lui suscitèrent Lin rival qui groupait autour de lui des auditeurs charmés de son éloquence. Cet homme était un Arabe voyageur, poète, philosophe, orateur d’une grande renommée dans l’Arabie. Il se nommait Nudher. Quand Mahomet avait fini de prêcher sur la place publique, Nadher souriait de dédain, et, s’adressant au cercle qui allait se dissoudre «Ecoutez maintenant, criait-il à l’auditoire, des choses qui valent un peu mieux que celles dont Mahomet vient de nous obséder. » Alors il édifiait et charmait ses auditeurs par les récits fabuleux ou héroïques des dieux et des héros de leurs ancêtres. Il illustrait les vieux mensonges, si chers à l’imagination puérile du peuple, de tous les prestiges et de toutes les saintetés de la tradition. « Eh bien ! leur disait-il ensuite, après les avoir enivrés d’admiration et de piété pour les objets du culte de leurs pères, les histoires de Mahomet sont-elles plus belles que les miennes ? Il vous débite d’anciennes fables renouvelées du livre des sages plus savants que lui, et qu’il a pris soin d’écrire comme j’ai fait moi-même, en m’enrichissant dans mes voyages de ce que j’ai appris des autres peuples et de ce que j’ai écrit pour vous le réciter. Nadher l’emportait auprès de la foule, dont il caressait les vieux souvenirs nationaux. Les novateurs préféraient Mahomet. On voulut faire parler contre lui les oracles, action puissante sur l’opinion en ce temps-là. Une députation des prêtres à la Mecque se rendit à Yathreb (Médine), ville rapprochée et sainte, habitée par des rabbins juifs qui avaient une renommée de science occulte et infaillible. Les députés racontèrent aux rabbins la dissension qui s’élevait dans leur peuple à cause d’un novateur, nommé Mahomet. « Vous qui lisez dans les livres qui savent tout, que pensez-vous de cet homme» leur dirent-ils. Les rabbins répondirent « Posez-lui trois questions, et demandez-lui, entre autres, ce que c’est que l’âme. » Mahomet, à ces questions demanda trois jours pour se recueillir. Il y répondit ensuite au gré des rabbins ; quant à la définition de l’âme, qui ne tombe pas soils les sens, et qui ne peut se définir par des mots empruntés tous à la matière, «L’âme, dit-il, est un mystère dont Dieu s’est réservé à lui seul la connaissance. L’homme ne sait que ce que Dieu daigne lui enseigner. »
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