La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 13

La tribu des Arabes Coraïtes , sédentaire et nomade à la fois, nombreuse et puissante, commandait à la Mecque et à quelques petites places voisines. Elle se gouvernait, comme la généralité des autres tribus, par une espèce d’aristocratie républicaine, où l’hérédité, la généalogie, l’habitude, la richesse, donnaient et partageaient l’empire entre certaines familles. Ces familles principales avaient de plus à la Mecque, pour signe de leur autorité, une sorte de pontificat national qui s’exerçait à l’époque du pèlerinage dans le temple de la Kaaha, au puits de Zemzem et sur les autres sites réputés sacrés et visités par les pèlerins. Ce sacerdoce était pour eux et pour les habitants de la Mecque une source de richesse et un titre à la vénération des autres tribus. L’année 00 de Jésus-Christ, Abdelmotaleb, aïeul de Mahomet, exerçait la plus élevée de ces fonctions, celle de distributeur des vivres et d’hôte des pèlerins de la Mecque.

Noble, guerrier, riche et puissant, rien ne manquait à sa félicité et à la perpétuité de son ascendant dans la Mecque, que des enfants, cette bénédiction des patriarches. Il fit vœu que si le ciel lui accordait jamais dix enfants mâles pour soutenir sa dignité et ses droits traditionnels sur les puits sacrés dans la Mecque’, il sacrifierait de sa main, comme Abraham, un de ses fils devant la Kaaba, à l’idole de la maison sacrée. Douze fils et six filles lui naquirent après ce voeu. Il sentit avec douleur qu’il était temps de tenir sa promesse. Il rassembla ses dix fils les plus âgés, et leur avoua le serment qu’il avait fait. Les fils se résignèrent à la volonté de l’idole et au choix de leur père. Mais le père trouva trop cruel de choisir lui-même une victime entre des fils si obéissants. On consulta le ciel par l’oracle des flèches qui portaient chacune le nom d’un des fils. La mort échut à Abdallah, le bien-aimé de son père. Les Coraïtes , qui chérissaient également le jeune Abdallah, s’opposèrent au sacrifice. On consulta une sibylle ou pythonisse, et l’obligation d’immoler Abdallah fut convertie dans l’obligation de sacrifier cent chameaux à l’idole.
Livre 1:
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60
61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90
91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107
Livre 2:
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Achetez le texte intégral avec les notes et commentaires d'Ali Kuhran (éditions L'Harmattan)