La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 63

Ali qui s’était échappé de la Mecque, après avoir sauvé la vie de son maître, rejoignit le prophète dans le village de Cuba. Le lendemain il fit une entrée triomphale à Yathreh. Tous les habitants se disputant l’honneur de le recevoir, il s’en rapporta à l’instinct de sa chamelle, à laquelle il attribua la vertu divinatoire de choisir elle-même le seuil qu’il devait préférer. La charnelle, accoutumée à venir charger des dattes au marché d’Yathreb, traversa toute la ville et ne s’agenouilla le poitrail en terre pour faire descendre son maître que sur un terrain vague hors des murs où les habitants avaient coutume d’étendre les dattes pour les sécher. La maison la plus rapprochée était celle d’Abou- Aïoub, un des principaux chefs de tribu de la ville. Abou- Aïoub s’empressa de décharger l’animal et de porter dans sa maison le bagage et le tapis de Mahomet. Le prophète ordonna de bâtir une mosquée à la place où il avait mis pied à terre, avec une maison pour lui et sa famille. Il y travailla de ses propres mains, assisté par les habitants d’Yathreb. « Quiconque travaille à cet édifice, leur dit-il, bâtit pour la vie éternelle. »

La ville, après l’entrée de Mahomet, changea son nom en l’honneur de son hôte, et s’appela Médine-el-Nabi, la ville de l’inspiré. Mahomet reconnu pour chef spirituel et pour souverain par les principales tribus de la ville, fit un traité d’alliance avec les autres, en leur garantissant la liberté complète de leur religion. Les uns étaient chrétiens, les autres juifs, la majorité idolâtre ; tous devinrent également ses sujets ou des alliés. Les lois de police, de justice, d’égalité et de paix qu’il promulgua aussitôt qu’il eut pris possession de Médine sont un code impartial autant que politique de tolérance et d’équité. Le proscrit, qui se souvenait encore alors des persécutions qu’il venait de subir pour sa foi, la respectait justement et habilement encore dans les autres. Pour devenir fort, il se montrait juste. Bientôt ses deux épouses, Sauda et Aiche, respectées à cause de leur sexe et de leur âge par les Coraïtes , le rejoignirent à Médine. Il les installa dans deux appartements séparés de sa maison attenant à la mosquée. A chaque nouvelle épouse qu’il prit ensuite, il ajouta de nouveaux appartements séparés de l’édifice. Les murs de ce palais étaient de briques cuites au soleil. Des troncs de palmier formant des arcades soutenaient les bords avancés du toit. Trois portes donnaient accès aux cours et aux jardins. Un bloc de pierre, placé dans la mosquée du côté qui regardait la Mecque et Jérusalem, indiquaient aux croyants des deux temples anciens d’Abraham vers lesquels les prières devaient se diriger pour être agréables au Dieu unique.
Livre 1:
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60
61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90
91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107
Livre 2:
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20

Achetez le texte intégral avec les notes et commentaires d'Ali Kuhran (éditions L'Harmattan)