Les pasteurs dune tribu errante paissaient leurs chameaux sur les flancs du mont Arafat, dans le voisinage. Ils virent des aigles sabattre sur le site où le prodige venait de sopérer. Ils soupçonnèrent que les oiseaux avaient flairé lhumidité de quelques flaques deau, ils y coururent. Ils trouvèrent la source, la jeune mère et lenfant. « Qui es-tu et quel est cet enfant ! dirent-ils à Agar ; doù vient cette eau ? Nous nen avons jamais vu ici depuis tant dannées que nous parcourons nos solitudes. » Agar leur raconta son délaissement; ils sattendrirent sur elle. Lenfant pour lequel la terre sétait ouverte comme une mamelle leur parut une créature prédestinée aux bénédictions célestes. Ils annoncèrent ce prodige à leur tribu, qui vint sétablir en ce lieu. Ismaël grandit au milieu de ce peuple ; il épousa une de leurs filles, nommée Ainara. Abraham le visita deux fois avec la permission de Sara. Sara, toujours jalouse, avait exigé pour condition quAbraham ne descendrait pas de son cheval dans la demeure du fils dAgar. La première fois quAbraham visita la Mecque, il sarrêta à la porte dIsmaël et lappela par son nom. Amara, femme dIsmaël, vint sur la porte. « Où est Ismaël ? dit le patriarche sans descendre. - Il est à la chasse, répondit Amara. - Nas-tu rien à me donner à manger ? car je ne puis descendre de cheval. - Je nai rien, dit Amara, ce pays est un désert. Eh bien, reprit Abraham, dis à ton mari que tu as vu un étranger, dépeins-lui ma figure et dis-lui que je lui recommande de changer le seuil de sa porte Amara, au retour dIsmaël, sacquitta du message. Son mari, offensé de ce quelle avait refusé lhospitalité à son père, la répudia et épousa une fille dune autre tribu, nommée Sayda.
Abraham revint quelque temps après visiter son fils. Il était absent. Une femme jeune, svelte, gracieuse, savança sur le seuil de la porte pour répondre à létranger. « As-tu quelque nourriture à me donner? dit Abraham à sa belle-fille, sans se faire connaître et sans poser le pied à terre. - Oui, » dit-elle à linstant. Et, rentrant dans sa demeure, elle en ressortit bientôt après en présentant au voyageur du chevreau cuit, du lait et des dattes. Abraham goûta ces aliments, puis les bénit, en disant : « Que Dieu multiplie dans cette contrée ces trois espèces de nourriture !»
Après le repas, Sayda dit au vieillard: « Descends de cheval, afin que je lave ta tête et ta barbe! - Je ne le puis, répondit le patriarche, jai fait serment de ne pas quitter la selle de ma monture. » Et, posant seulement un de ses pieds sur une grosse pierre qui était à côté de la porte de sa maison, tandis que son autre jambe était toujours étendue sur la selle de son cheval, il abaissa ainsi sa tête au niveau des mains de la jeune femme, qui lava la poussière dont ses yeux et sa barbe étaient souillés.
«Quand ton mari reviendra, dit le patriarche en repartant, dépeins-lui ma figure, et dis-lui de ma part que le seuil de sa porte est également brillant et solide, et quil se garde bien de le changer. Ismaël, en entendant ce récit et ces paroles, dit à Sayda: «Celui que tu as vu est mon père ; et il mordonne ainsi de te garder à jamais». Tous les enfants dont les générations multiplièrent la race dIsmaël furent conçus par Sayda. Dans une troisième visite à son fils, Abraham construisit avec lui, à la Mecque, un temple ou maison de Dieu appelée la Kaaba: Ce temple, qui est encore aujourdhui le temple de la Mecque, était un petit et informe édifice sans fenêtre, sans porte et sans toit, construit en quartiers de roche mal équarris. Abraham bâtissait, et son fils Ismaél taillait les pierres. Ils incrustèrent dans un des pans de la muraille la fameuse pierre noire quun ange était censé leur avoir lui-même apportée du ciel pour sanctifier la maison de Dieu. Ils instituèrent les pèlerinages, les rites et les processions autour de cet édifice, qui firent plus tard de la Mecque la capitale religieuse de lArabie et que Mahomet fut obligé de conserver en en changeant lesprit après sa réforme. Quoi quil en soit de ces traditions mythologiques, la Mecque devint, à cause de la possession de la Kaaha, le but des pèlerinages et le centre des superstitions de tous les Arabes qui nadorèrent pas Jéhovah. Une idolâtrie confuse, comme les rêves dun peuple, enfant charnel et ignorant, remplaça parmi eux le culte put. dAbraham et peupla la Kaaba didoles. Cette théogonie inconnue résista aux Persans, aux Parthes, aux Phéniciens, aux Juifs, aux Romains, et continua, jusquà Mahomet, à pervertir la morale et à dépraver lintelligence des Arabes. Les habitudes presque nomades de leur vie et la nature de leur nationalité, qui navait dautres liens dunité que lorigine, le site, la langue et les moeurs, rendaient toute modification dans leurs croyances et dans leur civilisation presque impossible. Ils ressemblaient au sable de leur désert, glissant dans les mains qui veulent le contenir. Jetons un coup doeil rapide sur leur histoire et sur leur civilisation pour bien comprendre les difficultés de la mission que se donna leur prophète.
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