Othman, élevé au khalifat, périt lui-même victime des discordes civiles. Après Othman, Ali, le disciple chéri de Mahomet, à qui le prophète avait donné sa fille Fatma pour femme, véritable héros dHomère, reçut comme khalife les hommages des fidèles musulmans. Son règne, dabord troublé par les intrigues de la belle et éloquente Aïché, veuve de Mahomet, qui remuait lempire de ses jalousies et de ses ambitions, sacheva dans des conquêtes. Aïché, vaincue, pardonnée et honorée par son vainqueur, revint vieillir à Médine dans lopulence. Ali avait la bravoure dOmar et la constance de Mahomet ; il écrivit des vers et des maximes qui sont resté dans la philosophie des musulmans, sinon comme des révélations, au moins comme des inspirations de lislam. Il y en a dans le nombre qui semble imités de la sagesse et de lascétisme des chrétiens. Il proférait souvent celle-ci dans ses fortunes ou dans ses revers «Celui qui veut être riche sans trésors, puissant sans empire, et serviteur sans maître, na quà mépriser les vanités de ce monde, et se faire serviteur de Dieu ; il trouvera ces trois choses en lui ». Son règne vit naître le premier schisme dans lislamisme. Moawiah, fils dAbou-Sofyan, se fit proclamer khalife à Damas, pendant quAli régnait à Médine, et fut le chef de la dynastie des Ommïades. Ali, assassiné dans la mosquée par un fanatique de la secte des Kharégites, laissa deux fils. Laîné, Hassan, lui succéda : mais, faible et ami de la paix, il ne tarda pas à abdiquer en faveur de Moawiah, son rival. Le plus jeune, Hosséin, releva le drapeau dAli contre le khalife Yézid, fils de Moawiah. Il fut tué sur les frontières de Perse dans une embuscade que les partisans dYézid lui avaient dressée. Un des meurtriers dHosséin fut chargé de porter sa tête coupée au général dYézid, à Koufah. Cet homme, trouvant les portes de la ville fermées, revint sur ses pas, et entra pour passe la nuit dans sa maison, qui était située en dehors de la ville. Il réveilla sa femme endormie et lui dit «Japporte avec moi le présent le plus précieux quon ait jamais fait au khalife. - Quest-ce donc ? lui demanda sa femme. - Cest la tête dHosséin répondit le guerrier : la voilà: je suis chargé de la présenter au général dYézid. » Lépouse, indignée et épouvantée du sacrilège en pensant quHosséin était le fils de Fatimà et le petit-fils du prophète, sélança de sa couche, et sécria avec horreur en se refusant aux embrassements de son mari : «Je napprocherai jamais dun homme qui mapporte la tête du petit-fils du prophète!» Le guerrier appela une autre de ses femmes pour passer la nuit avec lui ; mais cette femme ne put dormir un seul instant dans la chambre, éblouie, disait-elle par une auréole lumineuse qui sortait des yeux, du front et du sang dHosséin. Zaynad, sour dHossein, avait été la fidèle compagne des périls et des exploits de son frère. Elle fut conduite captive avec son jeune neveu Ali, encore enfant, devant le lieutenant dYézid. Celui-ci ordonna de tuer lenfant pour couper en lui la racine du schisme. «Commencez par me tuer moi-même » sécria Zaynad en couvrant de son corps le fils de son frère. Le vainqueur, intimidé par lhéroïsme de cette femme, nosa achever son crime. Il se contenta denvoyer au khalife de Damas Zaynad et son neveu Ali enchaînés par des anneaux de fer qui meurtrissaient leurs bras et leurs pieds. Yézid, en recevant ces i-estes de famille de son rival, sindigna contre son lieutenant, fit tomber les fers de Zaynad et de son neveu, et, après les avoir reçus et honorés dans son propre palais, les fit reconduire respectueusement à Médine comblés de présents. Ce meurtre dHosscin fils dAli, dont la mort fut célébrée comme un martyr et commémorée dâge en âge par les partisans dAli, devint la date et la consécration du grand schisme qui divise encore les Persans des Turcs sur la légitimité du khalifat. Les Schiites, partisans dAli, quils considèrent comme lhéritier légitime du fils dAbdallah, revendiquèrent longtemps pour les descendants du prophète les droits au pontificat et à lempire ; mais la victoire devait rester aux Sonnites ou traditionnaires, qui reconnaissaient lautorité des trois premiers successeurs de Mahomet et celle des Ommïades. Les khalifes de ce dernier parti, maîtres tantôt contestés, tantôt reconnus de tout lempire, choisirent pour leur capitale lopulente et voluptueuse ville de Damas, où le luxe et les délices de la Syrie ne tardèrent pas à corrompre la sainteté et lascétisme des enfants de lArabie. Mais la parole du prophète et leurs armes continuaient de leur conquérir lOrient et lOccident : lAfrique septentrionale, lEspagne et la Gaule méridionale étaient envahies, et la bataille de Tours, gagnée par Charles-Martel, sauvait seule, en 732 de Jésus-Christ, la chrétienté du joug de lislamisme.
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