La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 2 - Chapitre 15

Le khalife fit le pèlerinage à la tombe du Christ. Le patriarche Sophronius, chef des chrétiens, conduisit lui- même Omar dans l’église de la Résurrection . Il s’assit au milieu du temple et médita longtemps en silence ; puis, l’heure de la prière des musulmans était venue, il demanda avec déférence au patriarche une place dans un coin de l’édifice où il pût s’étendre et prier pour ne pas manquer de respect au lieu saint. Le patriarche lui dit de prier à la place où il était assis. Mais Omar s’y refusa par scrupule. Sophronius alors le conduisit dans l’église moins auguste de Constantin, mais il refusa également de prier dans ce sanctuaire, et, sortant des portes, il fit ses prosternations et ses prières sous le portique qui regardait l’Orient. Le patriarche Sophron ius, s’étonnât d’une telle modestie et d’une telle réserve chez un conquérant. « Tu ignores sans doute, lui dit Omar, pourquoi je me suis abstenu de prier dans une église chrétienne ? C’est par égard pour vous ; les musulmans se seraient emparés à mon exemple de vos temples, et rien n’aurait pu les empêcher de prier eux-même dans des églises où leur khalife aurait prié ». On voit, par ce récit transmis par les chrétiens de Jérusalem eux-mêmes, combien la prétendue persécution d’Omar contre le christianisme est une fraude pieuse inventée après coup, au temps des croisades, pour semer la haine contre les musulmans. Omar demanda seulement au patriarche de lui désigner une place où il pût construire une mosquée pour les croyants. Le patriarche lui désigna la place où était la pierre Essakra, sur laquelle la tradition disait que Jacob avait reposé sa tête pendant son sommeil prophétique. Cette pierre, négligée depuis la construction de l’église du Saint-Sépulcre, était recouverte des balayures de Jérusalem. Omar, appelant les musulmans pour déblayer la place, emporta lui-même dans un pan de son manteau une charge de ces balayures immondes, pour les porter dans le précipice de la vallée du Cédron. Il bâtit la mosquée qui subsiste encore aujourd’hui au bord de ce précipice, comme le Parthénon des mahométans sur l’Acropole d’Athènes, et repartit pour Médine avec la même humilité de costume qu’il avait affectée en venant à Jérusalem.
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