Ce défi des Aboutaleb et cette adjuration du poète illustre dYathreb à la concorde et à la tolérance assoupirent les hostilités armées contre Mahomet. Les Coraïtesse vengèrent sur ses obscurs néophytes de la rage quils nosaient assouvir sur le prophète. Mais la dérision, le dédain, la raillerie, lassaillirent impunément toutes les fois quil sortait pour prier, et même dans sa demeure. Ses voisins, qui dominaient du haut de leurs toits en terrasse la cour intérieure de sa maison, lui jetaient des immondices sur la tête, quand il sy recueillait pour faire ses ablutions ou ses prières. Les femmes, toujours plus acharnées à la haine et plus souples aux insinuations calomnieuses, se signalaient parce quelles étaient plus sûres aussi de limpunité, par leurs ignobles persécutions contre le blasphémateur de leurs idoles. Lune dentre elles, dont lhistoire a gardé le nom, véritable mégère de la Mecque, était Ounim-Djemil, femme dAbou-Lahab, le plus proche voisin de Mahomet. Cette femme allait tous les jours cueillir dans la campagne les plantes épineuses dont le dard ensanglante la bouche du chameau ; elle en semait toutes les nuits le seuil de la porte de Kadidjé, afin que la terre elle-même déchirât les pieds nus de Mahomet quand il sortait de sa maison. Des hordes apostées de femmes et denfants se relayaient pour le poursuivre de leurs malédictions et leurs huées dans les rues et jusque dans lenceinte du temple. Les grands, plus contenus dans leur haine, se contentaient de sécarter de lui comme dun lépreux quand il traversait le parvis extérieur de la Kaaba, lieu ordinaire de leur réunion. Un jour quil avait entendu gronder leurs murmures plus haut quà lordinaire, pendant quil faisait sept fois le tour du temple, selon les rites, il sapprocha deux après avoir prié, et, leur présentant humblement sa tête : « Je vous apporte, leur dit-il avec résignation, une victime à immoler. » Quelques-uns deux furent touchés de cette résignation, désarmés de leurs haines. « Retire-toi, père de Cacim, lui dit généreusement un dentre eux ; nous savons testimer et te respecter. »
Dautres, moins tolérants, sélancèrent sur lui, le lendemain, à sa sortie du temple avec des visages implacables et les mains levées. «Cest donc toi, misérable, lui dirent-ils, qui accuses nos pères derreurs et nos divinités dimpuissance ? - Oui, cest moi qui dis cela! » répondit intrépidement Mahomet. A ces mots ils le saisirent au cou, comme pour étouffer le blasphème dans la gorge du blasphémateur. Il allait périr sous leurs mains, quand Aboubekre, son disciple, se jeta courageusement entre lui et ses bourreaux et larracha déchiré et sanglant à la mort.
|