La fortune sembla vouloir compenser, pour Mahomet, la désertion de ses disciples que lui avait coûtée son intempestive révélation. Douze vieillards, chefs des Arabes de la ville dYathreb, députés par leurs concitoyens auprès de lui, vinrent à la Mecque sous prétexte du pèlerinage. Ils demandent au prophète une conférence nocturne dans un ravin de la colline Acaha. Cette conférence fut terminée par une alliance tacite et par un serment que les douze envoyés prêtèrent à Mahomet, au nom de leurs tribus. Il leur donna un de ses missionnaires, nommé Mosàd, pour leur enseigner ses dogmes, ses lois et ses rites. Mosàd prêchait la religion de son maître aux enfants, dans un jardin de dattiers, enclos de murs hors de la ville. Sad, le caïd, ou premier magistrat dYathreb, ayant appris quun étranger catéchisait le peuple contre les dieux, accourut, la lance à la main, pour chasser de lenclos le missionnaire : Mosàd lui demanda seulement de lentendre. Sad y consentit, planta sa lance dans le sable, et sassit pour écouter le novateur. La conviction retourna son cour en lui à léblouissement des vérités qui coulaient de la bouche de Mosàd. Il revint en ville, assembla le peuple et lui dit: « Que suis- je pour vous ?- Tu es notre caïd, le chef de nos conseils, lui répondit le peuple; ce que tu dis nous le faisons. - Eh bien, reprit Sad, je jure que je nadresserai plus la parole à aucune dentre vous, homme ou femme, jusquà ce que vous ayez embrassé la sublime religion de Mahomet et professé avec lui le Dieu unique ! » La moitié de la population dYathreb alla écouter les prédications du délégué du prophète. Sa doctrine de lunité de Dieu se répandit comme le jour dans la nuit. A la fin de cette année, qui était la douzième de la prédication, soixante et quinte néophytes dYathreb, choisis parmi les grands du pays, furent amenés à la Mecque par Mosàd, pour prêter serment à Mahomet. Ces soixante et quinze croyants étaient campés, avec la caravane des pèlerins, aux portes de la ville. Ils séchappèrent, pendant la nuit, du camp, sans réveiller leurs compatriotes, et allèrent conférer avec Mahomet dans un lieu solitaire. Un traité fut juré, par lequel les grands dYathreb sengagèrent à recevoir Mahomet et ses disciples dans leur ville, à lui obéir comme à lorgane de Dieu sur la terre, et à mourir, au besoin, pour sa défense. Que nous promets-tu en retour ? lui dirent-ils. - Le paradis, répondit le prophète. - Mais si nous parvenons à faire triompher ta cause, ajoutèrent-ils ne nous quitteras-tu pas un jour pour revenir habiter la Mecque, ta patrie ? - Jamais, répondit Mahomet ; je jure de vivre et de mourir avec vous ! » En imitation sans doute du Christ, qui avait choisi douze apôtres pour semer sa parole, Mahomet choisit parmi eux douze missionnaires pour aller répandre au loin sa doctrine dans les tribus.
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