Quoi quil en soit, Mahomet, brûlant de visiter les pays inconnus doù les doctrines hébraïques et chrétiennes transpiraient avec tant dattraits pour son âme jusque dans le désert, accepta avec reconnaissance loffre de Kadidjé. Elle le plaça au commencement sous la surveillance et sous les conseils dun de ses serviteurs plus rempli dannées et dexpérience, nommé Mayçara. Ils partirent ensemble, ils conduisirent heureusement les caravanes de Kadidjé à Damas, à Alep, à Antioche, à Jérusalem, à Palmyre, à Baalbeck, et dans toutes les villes opulentes de la Syrie arabe ou romaine. Ils y vendirent à hauts prix les tissus et les perles de lInde dont Kadidjé avait chargé ses chameaux. Ils les chargèrent au retour des objets les plus recherchés par les Arabes qui venaient à lépoque du pèlerinage approvisionner leurs tentes à la Mecque. Cet échange produisit de nouveaux trésors à Kadidjé, Mayçara, son domestique affidé, quelle interrogea sur la conduite de Mahomet, lui parla de son jeune compagnon comme dun être béni de Dieu, que les anges protégeaient en route de leurs ailes contre les ardeurs du soleil. Il raconta à sa maîtresse que Mahomet sétait arrêté au pied dun monastère chrétien dont le supérieur, ami déjà du jeune homme, avait été, comme lui, témoin de cette protection divine qui lui donnait lombre à volonté. Ce moine, ajoutait Mayçara, présageait de grandes destinées à ce jeune homme. Il serait, disait le moine, lapôtre de lArabie . Ces paroles du moine chrétien au serviteur de Kadidjé attestent assez que Djerdjis et Mahomet sétaient entretenus des choses saintes, et que le moine, charmé des dispositions de son prosélyte, avait cru voir et avait annoncé en lui à ses compatriotes le propagateur du christianisme dans le désert. Quant à Mahomet lui-même, il était plus occupé des vérités religieuses quil avait recueillies dans ses voyages que de la part des trésors quil rapportait à sa maîtresse. Kadidjé, cependant, ne trouvait plus cette part suffisante à sa reconnaissance. Les mérites, les services, les vertus précoces de son jeune serviteur, avaient changé son estime pour Mahomet en inclinaison et en admiration. Les prophéties du moine chrétien ajoutaient à son amour ce prestige qui est le pressentiment de la gloire. Devenir lépouse de celui en qui le ciel annonçait on ne sait quoi de divin paraissait à la jeune veuve une association à la divinité dun être surnaturel. Lamour aidait au prodige et le prodige à lamour.
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