Les nombreux sectateurs quil avait maintenant à la Mecque et que la crainte empêchait encore de se déclarer le sollicitaient de venir enfin les affranchir de leur servitude morale ; dun autre côté, le désir de relever la confiance de ses troupes, abattues par le dernier revers, lui commandaient une conquête trop longtemps suspendue. Il navait plus à redouter une résistance désespérée des Coraïtes «ou Coréischites». Il marcha à la tête de vingt mille guerriers vers la Mecque, résolu dy planter enfin son drapeau. A son approche, tout chancela dans les cours. Un de ses oncles, fils dAbdelmotaleb, nommé Abbas, accourut au-devant de lui avec tous les siens et se déclara son disciple. Abbas lui servit de parlementaire avec ses compatriotes. Abou-Sofyan, général le plus accrédité dans la Mecque, hésitait encore. Abbas, par lordre de Mahomet, le flatta et lui conféra le droit de protéger tous ceux des ennemis du prophète qui chercheraient asile dans sa maison. Abbas plaça ensuite Abou-Sofyan sur une éminence doù il pouvait voir défiler larmée conquérante. Abou-Sofian se sentait écrasé du nombre des guerriers et de léclat de leurs armes. « Quels sont, dit-il à Abbas, ces hommes tellement bardés de fer quon ne voit que leurs yeux à travers la visière du casque ? - Cest Mahomet et sa garde, répondit Abbas. - Ah ! reprit Abou-Sofyan, en vérité la royauté du fils de ton frère est majestueuse ! - La royauté repartit Abbas, que dis-tu là ? As-tu oublié que le fils de mon frère nest pas tin roi, mais tin prophète ? - Cest vrai, » dit le guerrier coraïte en se reprenant ; et il rentra dans la ville pour persuader à ses compatriotes quil était insensé de combattre contre cette force quil croyait surhumaine. Mahomet divisa son armée en quatre corps et désigna des chefs pour les commander sous lui. Un de ses lieutenants sétant écrié : « Gloire au prophète, cest enfin aujourdhui le jour du carnage ! » Mahomet, qui ne voulait point de sang sur son triomphe, le destitua à linstant et nomma tin autre commandant. Il rentra dans la ville monté sur son chameau, ayant en croupe derrière lui lenfant de son martyr Sayd, tué dans la dernière campagne. Aboubekre et Oçayd, ses lieutenants, étaient à cheval à côté de lui; sa garde, masquée de fer, le précédait et le suivait comme un nuage sombre. Il portait sur sa tête un turban noir, signe de terreur quil navait jamais ceint jusquà ce jour. Il se fit dresser sa tente sur une éminence doù il dominait la ville entière.
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