La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 70

Il s’attribua, après les expéditions militaires, la possession exclusive et le partage des dépouilles, afin de solder ses combattants pontifes et guerriers à la fois. Ses décrets étaient reçus sans contestation par le peuple. Trois pouvoirs absolus réunis sur sa tête lui permirent d’être tout ensemble la conscience, la loi et la souveraineté des musulmans. Le rachat des prisonniers par les Coraïtes enrichit son trésor du prix de leur rançon. Il la remit généreusement à quelques-uns. Sa fille Zaynab, qu’il avait eue de Kadidjé, sa première épouse, était mariée à la Mecque avec un guerrier coraïte, idolâtre encore, nommé Aboul-As. Aboul-As était prisonnier à Médine. Sa femme Zaynab envoya pour la rançon de son mari un riche collier. Mahomet pleura en voyant ce bijou détaché du cou de sa fille. «Tiens, dit-il à Aboul-As, reprends ce collier, tu es libre, mais à condition que tu rendras ma fille. Il ne convient pas qu’une musulmane comme elle soit l’épouse d’un incrédule. Aboul-As, de retour à la Mecque, renvoya sa fille au prophète.

Quelque temps après, Aboul-As, pressé du désir de revoir l’épouse qu’on lui avait ravie s’introduisit furtivement dans Médine au risque de sa vie s’il était découvert. Il vit secrètement, pendant la nuit, Zaynab et il concerta avec elle un audacieux subterfuge pour échapper à la mort. Mêlé, sans être reconnu, à la foule qui venait faire la prière dans la mosquée, il éleva tout à coup la voix pour réclamer la protection d’une femme ; Zaynab, se levant à cette voix, s’écria du haut de la galerie réservée aux femmes qu’elle prenait cet étranger sous sa protection. Aboul-As, ainsi couvert par la main d’une fille du prophète, devint inviolable. Il resta impunément à Médine, et son amour pour Zaynab le convertit bientôt à la foi de celle à laquelle il devait sa vie. Peu de jours après, Mahomet unit son disciple chéri, Ah âgé de vingt ans, avec sa quatrième fille, Fatima, âgée de quinze ans. Ah, aussi pauvre qu’il était amoureux, fut forcé de vendre sa cuirasse pour acheter les bijoux, les étoffes et les parfums, cadeaux de noces que payaient les Arabes pour acheter leurs fiancées.
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