Pendant ce temps, les assassins apostés pour tuer Mahomet à sa sortie, le matin, de sa maison, sentretenaient à voix basse sur le seuil. Les uns prétendaient quil les avait trompés et quil nétait plus dans sa maison ; dautres, regardant par une fente de la porte et voyant un homme enveloppé du manteau vert de Mahomet endormi sur sa natte, ne doutaient pas de tenir leur victime à son réveil.
Cependant laurore se lève, Ali secoue son manteau et ouvre la porte. Les meurtriers consternés croient reconnaître dans cette substitution une intervention divine. Le bruit de lévasion de Mahomet se propage dans la ville. Ses ennemis se répandent sur toutes les routes pour latteindre. Quelques- uns de ses persécuteurs montent jusquà la caverne de Thour. Mais, en voyant un nid de colombe suspendu à lentrée et une toile daraignée intacte qui flottait sur louverture de la grotte, ils sont convaincus quaucun homme ny a pénétré de longtemps, et ils séloignent. Mahomet et Aboubekre avaient eu la prudence de respecter le nid et de soulever la toile au lieu de la déchirer. ils passent trois jours et trois nuits dans cet asile en attendant le guide et les chamelles. Esmà, fille dAboubekre et sour dAïché, leur envoyait, la nuit, du lait et des dattes. Aïché et la femme plus âgée du prophète avaient été laissé par lui dans sa maison. Le seuil des Arabes était toujours inviolable pour les femmes. La troisième nuit, Esmà elle-même amena le guide et les chamelles à la grotte. Mahomet monta sur la première ; Aboubekre, après avoir embrassé sa fille Esmà, monta sur la seconde et fit monter son affranchi Amir derrière lui. Les fugitifs, pour désorienter les poursuites, descendent vers la mer au lieu de couper listhme par les montagnes, et suivent la plage qui contournait de loin le territoire dYathreb. Reconnus par un guerrier coraïte nommé Soracà, en traversant une tribu maritime, ils pressent le pas de leurs chamelles. Soracà monte à cheval et les poursuit, la lance à la main, pour gagner le prix quon a mis à leurs têtes. Aboubekre se trouble et veut descendre pour combattre à pied. «Ne crains rien, dit son compagnon, Dieu nous protège.» Au moment où Soracà va les atteindre, sa jument sabat et roule avec son cavalier dans le sable. Soracà se relève, remonte sa jument et reprend sa course ; la jument sabat une seconde fois. Son maître remonte encore en selle, galope derrière les proscrits et leur crie « Arrêtez, je jure que vous navez rien à redouter de moi ! - Que veux-tu donc de nous? dit Aboubekre. - Je demande seulement reprend le guerrier, que Mahomet me remette un mot de sa main, me reconnaissant pour un de ses disciples. » Aboubekre, qui navait aucune feuille de palmier pour écrire ce témoignage de conversion instantanée de Soracà, ramasse sur le sable un morceau dos poli et blanchi au soleil. Mahomet y écrivit la profession de foi du Coraïte. Soracà plaça los dans son carquois et regagna sa tribu, sans rien dire de sa course, de sa chute et de sa conversion. Cet os écrit par le prophète, et représenté plus tard à Mahomet quand il rentra vainqueur à la Mecque, fut la sauvegarde du nouveau converti.
|