Son mal saggravait ; linsomnie agitait ses nuits; il était plongé dans cette mélancolie qui affaisse les grandes âmes quand le ressort tendu par laction ou par la pensée na plus rien à porter. Une nuit quil était couché dans la chambre dAïché1, il se leva sans quelle sen aperçût et se rendit seul hors des murs au cimetière des musulmans de Médine «Salut ! dit-il, habitants des tombeaux Reposez en paix à labri des épreuves qui attendent vos frères ! » Il pria jusquà laurore, dune tombe à lautre, pour les âmes de ses disciples et de ses guerriers ensevelis. Une fièvre ardente le consumait quand il rentra chez Aïché. Aïché elle-même se sentait malade, elle se plaignit de sa langueur à son mari. «Ah ! dit-il ce serait bien plus encore à moi de me plaindre » Puis, mêlant, dans ses consolations à sa jeune épouse, la tendresse à un mélancolique enjouement. «Aiche ! lui dit-il (daprès ce quelle raconte), néprouverais- tu pas une certaine consolation de mourir avant que je quitte moi-même cette terre, et de penser que ce serait moi qui tenvelopperais de mes propres mains dans ton linceul, qui prierais sur toi et qui te coucherais dans ta tombe ? - Oui, répondit en souriant et en réfléchissant la jalouse Aïché, jaimerais assez cette perspective, si je ne pensais pas quau retour de ma sépulture, tu viendrais peut-être te consoler de mavoir perdue auprès de Maria ou de quelque autre de tes femmes ! » Mahomet sourit de lépigramme et du badinage de sa favorite. La fièvre ne lui enlevait pas son énergie. Un Arabe, qui voulait rivaliser avec lui et qui embauchait quelques sectateurs, osa lui envoyer des ambassadeurs porteurs dun message. Il répondit par une lettre de mépris ainsi conçue Mahomet, lapôtre de dieu, à Mosseïlmah limposteur Salut à ceux-là seulement qui marchent droit ! La terre nest ni à moi ni à toi, elle est à Dieu ; il la donne à qui il lui plaît Ceux-là seuls prospèrent qui craignent le Seigneur ! » Ces révoltes, entées sur la jalousie, furent étouffés en un moment. En même temps, il organisa une expédition formidable contre les Arabes et les Romains de la Syrie, et il en donna le commandement, de préférence à tous ses généraux, à un jeune homme de vingt ans, nommé Ouçamàm. On murmurait. «Obéissez, dit-il à ses vieux guerriers, je connais ce jeune homme pour le plus digne ! »
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