Un poète célèbre de lYémen, nommé Caab, après avoir écrit des imprécations acerbes contre le nouveau culte, désira voir le prophète sans en être connu. Il changea de nom, franchit le désert, fit agenouiller son chameau à la porte de la mosquée de Médine et entra. Il vit un homme dun aspect majestueux qui, circulant de groupe en groupe, parlait aux uns, saluait les autres, et recevait de tous des témoignages extérieurs de déférence. Il sapprocha «Apôtre de Dieu, lui dit-il, si je tamenais Caab, lui pardonnerais-tu ? - Oui, dit Mahomet. - Eh bien, je suis Caab ! » A ce nom odieux à Médine, les guerriers demandèrent à Mahomet la permission de tuer ce blasphémateur. « Non, dit Mahomet, je lui ai donné la vie. » Caab alors récita à haute voix une poésie fameuse depuis, appelée Càcida-el-Borda, et qui passe pour le chef-doeuvre des hymnes arabes: « Sàad, ma bien-aimée, sest éloignée de moi ; mon cour depuis ce temps, languissant et arraché de ma poitrine, la suit comme un captif quelle traîne par une corde... » Une transition lyrique ramenait la pensée du poète à Dieu et à son révélateur au cour des hommes. Quand le poète eut dit ces vers, «Le prophète est un flambeau qui dissipe la nuit de la terre, cest un glaive que Dieu a retiré du fourreau pour anéantir limpiété ! » Mahomet lui jeta son manteau en signe denthousiasme et de libéralité. Cette poésie, devenue sacrée, sappelle dans les traditions, lHymne du manteau. Un khalife, successeur de Mahomet, acheta depuis ce manteau de la famille de Caab. Il est conservé encore aujourdhui par les Ottomans, comme une relique de leur législateur.
|