Son veuvage, la sévérité relative de ses moeurs dans un pays où la promiscuité des femmes existait sous la forme dun concubinage illimité; sa longue union avec une seule femme plus âgée que lui et respectée par lui à légale dune tutrice de sa vie et dune confidente de sa mission, lui avaient conservé jusqualors la sensibilité dc cour et la sève ardente de la jeunesse. Le même foyer dimagination qui allumait en lui lextase allumait lamour. Cette double puissance, venant de la même source, confondait en lui la foi et la volupté. Ce penchant pour les voluptés sensuelles, auquel les moeurs débordées des Arabes, le climat, lexemple, la tradition des patriarches dans le désert, la tolérance de Moïse même et sa propre nature ne lui donnèrent pas la pensée de résister, ce fut la faiblesse dominante de son caractère et devint le vice et la ruine de sa législation. Les Arabes épousaient et répudiaient autant de femmes que le caprice, linconstance ou le dégoût les autorisaient à en flétrir. Mahomet crut faire assez pour la réhabilitation de cette moitié du genre humain en consacrant lunion des sexes par un lien religieux et presque indissoluble ; mais il ne crut pas faire trop pour rendre sa loi compatible avec la licence des Arabes en les autorisant à épouser jusquà quatre femmes légitimes, quand leur fortune leur permettrait dassurer convenablement leur vie et leur rang dépouses. La chaste et sévère unité du mariage chrétien, la plus antisensuelle, mais la plus morale et la plus civile des conséquences du christianisme quil avait sous les yeux en Syrie, fut écartée par Mahomet de sa législation comme trop incompatible avec les habitudes de son peuple, ou plutôt comme trop austère pour sa propre sensualité. Il oublia que, dans une législation religieuse, tout ce qui veut paraître divin doit être de nécessité surhumain, et quil nest pas permis à un législateur inspiré de faire à la faiblesse humaine la concession dune vertu. Légalité réciproque de droits et de devoirs dans les rapports des deux sexes entre eux nétant que la première de toutes les vertus, la justice, Mahomet violait la justice, maintenait linégalité des devoirs, continuait la dégradation de la moitié de lespèce humaine, privait de femmes légitimes les deux tiers des hommes pauvres, favorisait le débordement des riches, privait dépoux, pour leur donner des maîtres, les deux tiers des femmes, et jetait la confusion dans les sentiments et dans les hérédités des familles, en proclamant, non le précepte, mais la tolérance de la polygamie chez les croyants. Cette licence démentait sa mission aux yeux de tout homme réfléchi, même à son époque. Ce qui dégradait la moitié de ses créatures ne pouvait être inspiré de Dieu. Il est vrai que le législateur religieux de lArabie imposait la sensualité de son peuple les deux plus pénibles privations des sens quon puisse imposer aux hommes pour prévenir en eux les tentations et les occasions de crimes ou de vices, la séquestration des femmes de la société des hommes, et labstinence du vin et de toute boisson fermentée. De ces deux préceptes du Coran, lun préservait linnocence en sevrant les yeux de la vue de la beauté, lautre préservait la raison en sevrant les lèvres de livresse, ce délire de lâme. Il est vrai encore quil leur prescrivait des prières assidues et renouvelées à tous les pas du soleil dans les cieux ; des jeûnes dont le plus important était celui du mois de ramadhan, des proscriptions daliments charnels rigoureuses, des ablutions deau on de sable incessants, des silences, des recueillements, des abnégations de volonté ascétiques empruntés à la règle des monastères de linde ou des couvents chrétiens ; il est vrai, enfin, quil commençait hardiment lémancipation et la dignité morale de la femme en lui reconnaissant légalité dâme et de destinée immortelle avec les hommes, en les admettant parmi ses disciples, en interdisant de les immoler à leur naissance selon le meurtre usuel du désert, en enseignant aux Arabes de respecter en elles leurs mères, leurs filles, leurs épouses, les plus belles et les plus saintes créatures dAllah. Mais il nosa pas ou il ne voulut pas couper le vice à sa racine dans le précepte divin de lunité conjugale. Il ne fit ainsi que rétrécir le désordre et murer la licence dans lintérieur de la maison, au lieu de lanéantir dans le cour même des Arabes. Ce fut le scandale de son Coran, le cri du genre humain contre lautorité de son livre, la supériorité du christianisme sur sa législation , la condamnation future de sa doctrine sociale. Cette complaisance pour les sens lui coûta lesprit de lunivers .
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