La Vie de Mahomet

(Alphonse de Lamartine, 1854)

Livre 1 - Chapitre 87

Mahomet avait livré à la vengeance d’Ali dix-sept proscrits exceptés de tout pardon. Ali et ses soldats les poursuivaient pour les tuer. Deux d’entre eux cherchèrent asile contre la mort dans la maison d’une cousine du prophète, fille d’Aboutaleb nommée Hâni. Elle refusa d’ouvrir sa porte aux bourreaux d’Ali, et courut vers la tente de Mahomet pour implorer leur grâce. En la voyant, Mahomet interrompit sa prière et fit quelques pas au-devant d’elle. « Sois la bienvenue, ma cousine, lui dit-il; que désires-tu de moi ? - Je te demande, dit Hâni, la vie de deux hommes qui sont venus se placer sous la protection de mon foyer. - Tes protégés sont les miens, répondit-il; que nul ne les touche ! » Il monta ensuite à cheval et fit le tour du temple. Ayant vu une colombe de bois sculptée suspendue encore au toit, il la brisa contre la muraille. A ce signal, les trois cent soixante simulacres d’idoles qui formaient la corniche extérieure du temple furent précipités en poussière sur le parvis. « La vérité est venue, s’écria-t-il, que les ombres et les mensonges s’évanouissent ! Coraïtes , il n’y a plus d’autres Dieu que Dieu Il a rempli aujourd’hui ses promesses à son serviteur, et fait triompher son nom unique des ennemis qui le défiguraient Plus d’idolâtrie plus d’inégalités sur la terre ! plus de superbe différence fondée sur l’antiquité des généalogies et des ancêtres ! Tous les hommes sont enfants d’Adam, et Adam est l’enfant de la poussière Le but commun de la création est une société fraternelle ! Le but apprécié de Dieu est celui qui le craint et le sert le mieux sur la terre » Puis il promulgua, avec une amnistie générale, l’oubli de toutes ses injures personnelles. Il s’assit ensuite devant ta porte du temple, rendu par sa parole et par ses armes au Dieu unique, et sembla jouir, dans une profonde extase, de l’accomplissement de sa mission et de l’extension future de sa loi. Aboubekre lui amena un vieillard aveugle âgé de près d’un siècle, et qui désirait avant de mourir, toucher la robe du prophète, dont il attendait depuis longtemps l’avènement pour détruire les superstitions de sa race. «Pourquoi avoir fait sortir ce vénérable scheik de sa maison ? dit Maliomet à Aboubekre ; je serais allé moi-même le visiter dans sa demeure ! » II fit asseoir le vieillard sur son tapis, et, lui passant familièrement la main sur la poitrine, il lui proposa de prononcer la formule de la conversion au Dieu unique. Le vieillard la prononça avec des larmes de joie Il alla de là se placer sur une éminence de la colline de Sâfa, où il reçut le serment de toute la population fidèle. Cette conversion en masse de la patrie de Mahomet à l’islamisme alarma de nouveau les Médinois. « Il va établir sa capitale dans la ville de son berceau, disaient-ils tout bas entre eux. - Non, dit Mahomet fidèle à la reconnaissance, je jure de vivre et de mourir avec vous ! »
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