Le moine Djerdjis, contemplant du haut des terrasses de son monastère le campement de la caravane dans la vallée sous les murs, remarqua la beauté dun enfant assis à terre et que de légers nuages flottants, comme des parasols dans le ciel de feu, semblaient ombrager deux-mêmes contre lardeur du soleil. Soit attrait naturel pour cette belle enfance, soit désir de sentretenir de la patrie avec des compatriotes, le moine envoya offrir en son nom, lhospitalité aux chefs de la caravane. Ils montèrent au couvent, mais ils nosèrent pas, à cause de son âge, amener Mahomet avec eux. Quand ils furent assis devant le repas quon leur avait servi, le moine Djerdjis saperçut de labsence de lenfant, et demanda quon le fit monter. Comme Aboutaleb sexcusait sur sa jeunesse: «Oui, oui, sécria un des Arabes de sa suite en se levant pour aller chercher lorphelin, le petit-fils dAbdelmotaleb est digne, quel que soit son âge, de participer à lhonneur que tu nous fais ! »
Le moine Djerdjis laccueillit avec tendresse. Sa foi chrétienne navait pas entièrement effacé en lui les crédulités nationales de sa race. Il aperçut un signe au-dessous du cou, entre les deux épaules de Mahomet, signe que les Arabes considèrent comme laugure des hautes destinées. Il adressa un grand nombre de questions à lenfant, et sétonna de la justesse et de la force des réponses. La caravane fut une longue halte sous les murs de ce couvent hospitalier. Le moine profita sans doute de ces entretiens avec le fils dune race illustre pour semer dans cette tendre et fertile intelligence les germes dune foi plus intellectuelle et plus pure que les grossières superstitions de la Mecque. Il se fia au temps et à lintelligence précoce de lenfant pour les mûrir. Quand Aboutaleb se remit en route, Djerdjis lui dit dun ton à la fois prophétique et paternel «Va ! ramène après ton voyage ton neveu dans sa patrie veille avec sollicitude sur lui, et surtout préserve-le des Juifs Sils venaient à découvrir en lui certains indices que jai moi- même découverts, ils ne manqueraient pas de former quelques complots contre sa vie ; apprends seulement que lavenir réserve de grandes choses au fils de ton frère ! » Tous les historiens arabes saccordent dans le récit de cette première entrevue et dautres entrevues renouvelées plus tard, entre le jeune Arabe et le moine chrétien du couvent de Syrie. Cest le point de départ des pensées comme de la mission future du prophète de lArabie. Le Coran fut évidemment dans son esprit la végétation de cette semence de IEvangile jetée en passant par le vent du désert dans son âme.
|